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.D’ailleurs, dans plusieurs de ces textes Ariane semblait parler d’elle-même au masculin, comme Hallera elle-même dans plusieurs autres : preuve évidente de leur inauthenticité.Quand elle eut terminé, tard dans la nuit, Lisbeï alla ranger les documents et les livres avec la satisfaction du devoir accompli : elle n’aurait négligé aucune possibilité – comme le lui avait toujours répété Kélys.La journée suivante, Lisbeï se plongea dans la documentation disponible sur la drogue des Harems et des Ruches.Tous les éléments concordaient entre eux et ne lui apprirent rien de nouveau.Un témoignage unique et impossible à dater (et donc considéré comme douteux par l’historienne qui le citait), décrivait les effets physiques de la drogue : une forte fièvre, des hallucinations perceptives, une impression de dédoublement (mais non l’horrible sensation d’éparpillement qu’avait éprouvée Lisbeï) et la mort à court terme par « surchauffe générale de tous les systèmes vitaux » si le sujet, excité par ses sensations, se livrait « à une activité physique intense ».Ce qui semblait en effet assez peu recevable, à moins que les réactions à la drogue n’eussent changé depuis, puisque les guerrières des Ruches allaient se battre et que les célébrantes Dansaient et faisaient Elli.Par ailleurs, Toller lui avait bien dit de ne pas prendre la drogue si elle ne Dansait pas et si elle était seule.Et comment le savait-il, au fait ?Cette fois, elle ne pouvait éviter de réfléchir sur la nature même de Toller comme elle avait réussi à le faire jusque-là .Il était comme Kélys, comme elle, comme cette Rouge troublante, la Mère d’Angresea (et comme Tula n’était pas tout à fait).Des enfantes de la Maladie, des mutantes.Elle n’avait pas de difficulté à admettre ce que Kélys lui avait dit à ce propos, ce qu’Antoné (elle s’en rendait compte maintenant) lui avait souvent suggéré.Et il était tout à fait logique que des hommes en fussent touchés aussi.Elle n’aurait même pas dû en être surprise.Mais cela voulait-il dire que Toller avait subi la même expérience qu’elle ? Dans ce cas, Mâle au moins de la Mère de Wardenberg, comment avait-il survécu à son Service ? Ou bien était-ce justement pour cette raison qu’il était devenu Bleu très tôt ? Mais non, on ne pouvait être déclaré Bleu sans avoir été prouvé stérile.Depuis combien de temps l’était-il, au fait ?Il lui sembla tout naturel à partir de là d’aller consulter les Lignées de Wardenberg, d’y chercher la Lignée de Sygne et de trouver celle de Toller – ce n’était pas une indiscrétion : il avait répondu volontiers à la question de Marcie, même s’il ne portait pas l’emblème de sa Famille.Angresea.Lisbeï resta un long moment à contempler la nef et les vagues de l’emblème, dans le carré où, avec quelques autres informations sur sa Lignée, se trouvait le nom de Toller.Bien sûr que le nom avait été familier.Toller, d’Angresea.Le « frère jumeau » de Guiséia d’Angresea.Elle avait vu son nom en consultant les documents que Béthély possédait sur Angresea, lorsque Selva avait enfin parlé de l’alliance projetée.Et même, elle avait rêvé brièvement sur cette naissance jumelle, l’étrangeté de la relation qu’elle impliquait, surtout entre une fille et un garçon.Elles ne se ressemblaient pas du tout, pourtant ! Ou seulement la couleur des yeux.Le Livre n’indiquait évidemment pas le motif pour lequel Toller était devenu un Bleu.Il aurait fallu pouvoir consulter les registres médicaux et, à cette fin, demander la permission de l’intéressé.Impensable.Mais ce n’était pas vraiment à cela qu’elle pensait.Elle pensait à ce Maxime d’Angresea qui aurait dû être son premier Mâle si elle avait été la Mère de Béthély, si elle avait mené la Célébration l’année de son seizième anniversaire.Eh bien, elle avait Dansé, en fin de compte, et avec un Angresea.C’était plutôt comique.Pourquoi donc avait-elle les larmes aux yeux, alors, certaine qu’elle ne pourrait jamais le dire à Tula ?* * *Peut-être par défi, Lisbeï décida que la seule façon d’en savoir plus long, c’était bel et bien d’aller interroger Toller lui-même sur ces effets de la drogue qu’il semblait connaître si bien.À la Résidence, on lui apprit qu’il travaillait à la Schole.Qu’il était provisoirement Tuteur à la Schole, dans une des sections techniques, en optique ! Il ne devait pas y avoir plus d’une dizaine de Bleus Tuteurs à la Schole.Elle alla l’attendre à la fin d’une réunion – près de la moitié de ses étudiantes étaient des Verts et des Bleus, comme il fallait s’y attendre.Il haussa les sourcils en la voyant à la porte du laboratoire, mais, quel que fût le souvenir qu’il en gardait, l’incident de la Célébration ne semblait ni l’irriter ni l’embarrasser.Pas plus qu’il ne sembla déconcerté par la question directe de Lisbeï, lorsqu’elles se retrouvèrent seules dans le corridor : « J’ai en effet subi la même expérience », dit-il, très calme.Il était évident qu’il ne donnerait pas davantage de détails, mais Lisbeï voulait surtout savoir s’il savait ce qu’il était.« Vous avez eu la Maladie tardivement ? »Comme s’il avait parfaitement compris sa stratégie, il eut un rapide sourire, seule indication perceptible d’une émotion quelconque.C’était très curieux.Avec Tula ou Selva, quand elles voulaient dissimuler ce qu’elles ressentaient, il y avait eu la barrière ; avec Kélys, il y avait toujours des émotions, mais Lisbeï savait à présent que la pérégrine exerçait sur elles un haut degré de contrôle.Avec Toller, c’était comme s’il n’avait pas été là du tout, mais sans barrière perceptible.Et pour autant qu’elle se souvînt de ses deux rencontres avec Guiséia d’Angresea, c’était la même chose avec elle.« Vous aussi, dit-il et, sur un ton presque indulgent, comme s’il concédait le point : Et Antoné, et Kélys, et quelques autres.»Elle décida de changer un peu son approche : « Vous les connaissez depuis longtemps ?— Antoné a passé quelques mois à Angresea.Kélys est une vieille amie de la Famille.C’est elle qui nous a expliqué, avant Antoné.»— Nous ? « Pour la drogue ?— Pour la drogue aussi.— C’est lié, alors ?— Oui.»Elles continuèrent à marcher dans le couloir.Guiséia était comme Toller et le « nous » devait se référer à elle.Kélys avait-elle mentionné les Angresea à Béthély ? Lisbeï ne s’en souvenait pas.Était-ce elle qui avait conseillé l’alliance à Selva ? Et Antoné, avait-elle su que Kélys les connaissait bien ? La Médecine n’avait jamais parlé des Angresea non plus.Mais, de toute façon, Antoné n’avait jamais parlé explicitement du lien entre Maladie et mutation.Connaissait-elle cet effet particulier de la drogue ? Elle n’avait jamais Dansé… Soudain, une brève angoisse traversa Lisbeï.Mais non, Tula avait sûrement été prévenue.C’était Kélys qui l’avait entraînée à la Danse : puisque Kélys était au courant, elle le lui avait sûrement dit.Et puis, peut-être que l’effet était différent selon les variations de la mutation ? Antoné en représentait une, Tula une autre, Selva aussi…« Vous le savez depuis quand ?— Depuis toujours.Pour la drogue, moins longtemps.Nous avions à peine une dizaine d’années.»Avec un petit sursaut intérieur, elle se dit que ce devait être avant sa propre naissance : Toller – et donc Guiséia – avait trente-trois années.Elles avaient essayé la drogue quand elles étaient enfantes ?Le Bleu répondit à la surprise qu’elle ne songeait pas à masquer : « Nous étions très audacieuses
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