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.Des femmes voilées marchaient d’un pas fatigué, un panier sur la tête ; des aveugles assis, les yeux couverts de mouches, tendaient une main molle, avec l’espoir de recueillir une piastre.Ateliers et boutiques poussiéreuses ouvraient ; dès que la chaleur serait trop forte, l’activité s’éteindrait.En période de ramadan, les forces manquaient.Une Jeep remplie de policiers fit une queue de poisson au taxi et le contraignit à stopper ; un gradé sauta à terre et interpella Naguib Ghali.— Où allez-vous ?— Voir le colonel Zakaria, répondit Mark.— Il n’est pas recommandé aux Occidentaux de circuler en ville ; mieux vaudrait rebrousser chemin.— Le colonel m’attend.— En ce cas, nous vous escortons ; ce sont les ordres.Dans l’Antiquité pharaonique, Assiout avait été une cité florissante, placée sous la protection d’un dieu chacal nommé « l’ouvreur des chemins », chargé de guider les âmes dans l’autre monde.De son temple, il ne subsistait pas une seule pierre ; quant aux tombes des princes de la province, creusées dans une falaise dominant l’agglomération, elles étaient devenues « zone militaire », et servaient d’entrepôts et de latrines.Assiout croupissait dans la misère.Les quartiers anciens pourrissaient, les HLM bâties à la hâte se fissuraient avant d’être terminées.Personne ne songeait à repeindre ou à nettoyer une façade.Çà et là , des mares et des portions de canaux remplis d’excréments ; on y jetait des cadavres d’animaux, les ménagères y lavaient la vaisselle.Une atmosphère pesante régnait dans les rues encombrées ; toutes les femmes étaient voilées, les hommes s’écartaient à peine au passage de la Jeep, klaxon hurlant, et de la Peugeot.Un gamin jeta une pierre en direction du taxi et le rata de peu.Une camionnette Toyota, surchargée d’hommes armés, barra la route ; la Jeep s’arrêta, des palabres s’engagèrent.La camionnette prit la tête du cortège, la Jeep passa derrière la Peugeot et ferma la marche.Accélérant l’allure, la Toyota écrasa un chien jaune qui mastiquait un papier gras et s’engagea dans un faubourg ; Naguib Ghali joua du volant afin d’éviter trous et bosses.L’aspect des immeubles de trois étages était si délabré qu’ils semblaient inhabitables ; les ruelles grouillaient d’hommes désœuvrés, de femmes voilées vêtues de robes noires et de marmots crasseux.— Pourquoi la police pactise-t-elle avec ces types ? s’inquiéta Naguib Ghali.Le commandement militaire n’est pas installé dans ce coin-là .Le médecin-taxi se serait volontiers enfui, mais son véhicule était pris en otage.Son front, comme celui de Mark, ruisselait de sueur ; à cause de la poussière et de la puanteur, Naguib gardait les vitres abaissées.Où les emmenait-on ?Le cortège s’immobilisa devant un bâtiment gris surmonté d’un minaret ; de part et d’autre de la porte entrouverte, des chaussures, des sandales et des babouches.— Une mosquée, constata le taxi-médecin, anxieux.La Jeep de la police avait disparu ; une foule dense s’amassait derrière la Peugeot.Kalachnikov à la hanche, un châle rayé couvrant son front, l’un des occupants de la Toyota somma l’Américain de descendre et l’Égyptien de garder les mains sur le volant.— Surtout, ne tente rien, murmura Mark à l’oreille de Naguib.Le canon de l’arme désigna l’entrée de la mosquée.— Déchausse-toi.Mark s’exécuta et avança, découvrant un local vide, sans tapis, aux murs de béton resté brut.— Le lieu du vrai culte est interdit aux infidèles ; prends le couloir, sur ta gauche.Alors que la construction n’était pas terminée, elle se dégradait déjà .Les parpaings suintaient d’humidité.Mark fut poussé dans une petite pièce semblable à la cellule pour étrangers de la prison centrale.Seuls ornements, des photos de l’assassin de Sadate et de son patron, le cheikh Omar Abder Rahman.La porte, mal fabriquée, ne fermait pas.L’appel du colonel Zakaria était-il un piège ? Peut-être avait-on imité sa voix, afin d’abuser Mona.Mark abattu par des islamistes, comme Hélène… Les autorités exprimeraient leurs regrets, l’actualité changerait et l’affaire serait oubliée.En se rendant à Assiout, un homme aussi averti que Mark n’avait-il pas commis une imprudence coupable ?Mohamed Bokar poussa la porte.Enturbanné, vêtu d’une galabieh blanche, il portait de petites lunettes qui soulignaient la proéminence de son nez ; dans la main droite, il tenait un chapelet aux boules noires qu’il égrenait de ses doigts fins.À son front, la petite bosse brune des vrais croyants que le peuple appelait el-zebiba, « le raisin sec ».— Que la miséricorde d’Allah soit sur vous, monsieur Walker.Ainsi, vous vous êtes décidé ! J’en suis heureux ; non seulement vous sauverez votre âme, mais encore participerez-vous à la libération de ce pays opprimé par des impies.J’enregistrerai moi-même votre conversion à l’islam, dont vous respecterez dès aujourd’hui les cinq piliers : la croyance en Allah, Dieu unique, dont la parole fut transmise par son prophète, Mahomet ; la pratique des cinq prières quotidiennes ; le respect du jeûne pendant la période du ramadan ; le versement de l’aumône ; au moins un pèlerinage à La Mecque durant votre existence.— Vous vous méprenez.— Contesteriez-vous l’un de ces principes intangibles ?— Aucun dogme n’est digne d’estime
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