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.C'est que la sottise d'Otway est moderne, et que celle de Shakespeare est ancienne.Vous vous plaindrez sans doute que ceux qui jusqu'à présent, vous ont parlé du théâtre anglais, et surtout dece fameux Shakespeare, ne vous aient encore fait voir que ses erreurs, et que personne n'ait traduit aucun deces endroits frappants qui demandent grâce pour toutes ses fautes.Je vous répondrai qu'il est bien aisé derapporter en prose les erreurs d'un poète, mais très difficile de traduire ses beaux vers.Tous les grimauds quis'érigent en critiques des écrivains célèbres compilent des volumes ; j'aimerais mieux deux pages qui nousfissent connaître quelques beautés ; car je maintiendrai toujours, avec les gens de bon goût, qu'il y a plus àprofiter dans douze vers d'Homère et de Virgile que dans toutes les critiques qu'on a faites de ces deux grandshommes.DIX-HUITIÈME LETTRE.SUR LA TRAGÉDIE.34 Lettres philosophiquesJ'ai hasardé de traduire quelques morceaux des meilleurs poètes anglais : en voici un de Shakespeare.Faitesgrâce à la copie en faveur de l'original ; et souvenez-vous toujours, quand vous voyez une traduction, quevous ne voyez qu'une faible estampe d'un beau tableau.J'ai choisi le monologue de la tragédie d'Hamlet, qui est su de tout le monde et qui commence par ce vers : Tobe or not to be, that is the question.C'est Hamlet, prince de Danemark, qui parle :Demeure ; il faut choisir, et passer à l'instant De la vie à la mort, ou de l'être au néant.Dieux cruels ! s'il enest, éclairez mon courage.Faut-il vieillir courbé sous la main qui m'outrage, Supporter ou finir mon malheuret mon sort ? Qui suis-je ? qui m'arrête ? et qu'est-que que la mort ? C'est la fin de nos maux, c'est monunique asile ; Après de longs transports, c'est un sommeil tranquille ; On s'endort, et tout meurt.Mais unaffreux réveil Doit succéder peut-être aux douceurs du sommeil.On nous menace, on dit que cette courte vieDe tourments éternels est aussitôt suivie.O mort ! moment fatal ! affreuse éternité ! Tout coeur à ton seulnom se glace, épouvanté.Eh ! qui pourrait sans toi supporter cette vie, De nos Prêtres menteurs bénirl'hypocrisie, D'une indigne maîtresse encenser les erreurs, Ramper sous un Ministre, adorer ses hauteurs, Etmontrer les langueurs de son âme abattue À des amis ingrats qui détournent la vue ? La mort serait trop douceen ces extrémités ; Mais le scrupule parle, et nous crie : « Arrêtez.Il défend à nos mains cet heureuxhomicide, Et d'un Héros guerrier fait un chrétien timide, etc.Ne croyez pas que j'aie rendu ici l'anglais mot pour mot ; malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui entraduisant chaque parole énervent le sens ! C'est bien là qu'on peut dire que la lettre tue, et que l'esprit vivifie.Voici encore un passage d'un fameux tragique anglais, Dryden, poète du temps de Charles second, auteurplus fécond que judicieux, qui aurait une réputation sans mélange s'il n'avait fait que la dixième partie de sesouvrages et dont le grand défaut est d'avoir voulu être universel.Ce morceau commence ainsi :When I consider life, t'is all a cheat.Yet fool'd by hope men favour the deceit.De desseins en regrets et d'erreurs en désirs Les mortels insensés promènent leur folie.Dans des malheursprésents, dans l'espoir des plaisirs, Nous ne vivons jamais, nous attendons la vie.Demain, demain, dit-on, vacombler tous nos voeux ; Demain vient, et nous laisse encor plus malheureux.Quelle est l'erreur, hélas ! dusoin qui nous dévore ? Nul de nous ne voudrait recommencer son cours : De nos premiers moments nousmaudissons l'aurore, Et de la nuit qui vient nous attendons encore Ce qu'ont en vain promis les plus beaux denos jours, etc.C'est dans ces morceaux détachés que les tragiques anglais ont jusqu'ici excellé ; leurs pièces, presque toutesbarbares, dépourvues de bienséance, d'ordre, de vraisemblance, ont des lueurs étonnantes au milieu de cettenuit.Le style est trop ampoulé, trop hors de la nature, trop copié des écrivains hébreux si remplis de l'enflureasiatique ; mais aussi il faut avouer que les échasses du style figuré, sur lesquelles la langue anglaise estguindée, élèvent aussi l'esprit bien haut, quoique par une marche irrégulière.Le premier Anglais qui ait fait une pièce raisonnable et écrite d'un bout à l'autre avec élégance est l'illustre M.Addison.Son Caton d'Utique est un chef-d'ouvre pour la diction et pour la beauté des vers.Le rôle de Catonest à mon gré fort au-dessus de celui de Cornélie dans le Pompée de Corneille ; car Caton est grand sansenflure, et Cornélie, qui d'ailleurs n'est pas un personnage nécessaire, vise quelquefois au galimatias.LeCaton de M.Addison me paraît le plus beau personnage qui soit sur aucun théâtre, mais les autres rôles de lapièce n'y répondent pas, et cet ouvrage si bien écrit est défiguré par une intrigue froide d'amour, qui répandsur la pièce une langueur qui la tue.DIX-HUITIÈME LETTRE.SUR LA TRAGÉDIE.35 Lettres philosophiquesLa coutume d'introduire de l'amour à tort et à travers dans les ouvrages dramatiques passa de Paris à Londresvers l'an 1660 avec nos rubans et nos perruques
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