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.Ce n’est pas tant que Misty était amoureuse de Peter.Même pas.Pas tant que ça.Misty ne savait pas ce que c’était.C’est juste qu’elle ne pouvait pas rentrer à la maison dans ce parc de caravanes, ce n’était plus possible.Peut-être bien que la fonction d’une fille, c’est tout bonnement de faire chier sa mère.Ça, on ne te l’enseigne pas à la fac d’arts plastiques.L’alarme à incendie continue à sonner.La semaine où Misty et Peter se sont enfuis, c’était pendant les congés de Noël.Toute cette semaine, Misty a laissé sa maman se faire du mouron.Le ministre du culte a regardé Peter et il a dit : « Souris, mon fils.On dirait que tu fais face à un peloton d’exécution.»Sa maman, elle a appelé la fac.Elle a appelé les hôpitaux.Dans une salle d’urgence se trouvait le corps d’une morte, une jeune femme retrouvée nue dans un fossé poignardée de cent coups de couteau dans le ventre.La maman de Misty, elle a passé le jour de Noël à traverser en voiture trois comtés pour aller regarder le cadavre mutilé de cette anonyme.Pendant que Peter et Misty s’avançaient d’un pas lent dans l’allée centrale de l’église de Waytansea, sa maman retenait son souffle en voyant un inspecteur de police défaire la fermeture à glissière d’un sac à viande froide.Dans cette vie précédente, Misty a appelé sa maman deux jours après Noël.Assise dans la maison des Wilmot derrière une porte verrouillée, Misty tripotait les bijoux en toc que Peter lui avait offerts à chacun de leurs rendez-vous, la verroterie et les fausses perles.Sur son répondeur, Misty a écouté une douzaine de messages paniqués de sa maman.Quand Misty est finalement parvenue à composer le numéro de Tecumseh Lake, sa maman s’est contentée de raccrocher.La belle affaire.Après quelques larmes, Misty n’a plus jamais rappelé sa maman.Waytansea Island lui donnait déjà le sentiment d’être son havre et son foyer, bien plus que ne l’avait jamais été la caravane.L’alarme de l’hôtel continue toujours à sonner, et à travers la porte, quelqu’un dit : « Misty ? Misty Marie ? » On frappe.C’est une voix d’homme.Et Misty répond : Oui ?L’alarme devient bruyante quand la porte s’ouvre, puis s’estompe.Un homme dit : « Seigneur, qu’est-ce que ça pue là -dedans ! » Et voilà Angel Delaporte qui débarque à la rescousse.Pour information, juste au cas où, sache que le temps aujourd’hui est frénétique, paniqué, et un peu à la bourre avec Angel qui lui ôte l’adhésif du visage.Il prend la brosse qu’elle tient à la main.Angel la gifle une fois, violemment, sur chaque joue, et dit : « Réveillez-vous.Nous n’avons pas beaucoup de temps.»Angel Delaporte la gifle comme on giflerait une bimbo à la télévision espagnole.Misty, que la peau et les os.L’alarme à incendie de l’hôtel se contente elle de continuer à sonner avec obstination.Plissant les paupières devant la lumière du soleil qui entre par son unique et minuscule fenêtre, Misty dit : Arrêtez.Misty dit qu’elle ne comprend pas.Il faut qu’elle peigne.C’est tout ce qui lui reste.Le tableau qui lui fait face est un carré de ciel, en barbouillis de bleu et de blanc mêlés, rien n’est terminé, mais ça remplit toute la surface du papier.Empilées contre le mur près de la porte se trouvent d’autres peintures, posées à l’envers.Un numéro au crayon sur chacune.Quatre-vingt-dix-sept sur l’une.Quatre-vingt-dix-huit.Une autre porte quatre-vingt-dix-neuf.Et l’alarme qui sonne et qui sonne, avec obstination.« Misty, dit Angel.Quelle que soit l’expérience en cours, vous en avez terminé.» Il va à son placard et en sort un peignoir de bain et des sandales.Il revient et glisse chaque pied dans l’une d’elles, en disant : « Il faudra environ deux minutes pour que les gens s’aperçoivent qu’il s’agit d’une fausse alarme.»Angel glisse une main sous chacune de ses aisselles et soulève Misty pour la remettre debout.Il serre le poing et cogne son plâtre, en disant : « Qu’est-ce que c’est que ça ? »Misty demande : Qu’est-ce qu’il est venu faire ici ?« Cette gélule que vous m’avez refilée, lui apprend-il, elle m’a donné la pire migraine de toute ma vie.» Il est en train de passer le peignoir sur ses épaules et il explique : « J’ai demandé à un chimiste de l’analyser.» Laissant tomber chaque bras fatigué dans une manche du peignoir, il poursuit : « Je ne sais pas quel genre de docteur vous avez, mais ces gélules contiennent du plomb en poudre avec des traces d’arsenic et de mercure.»Les composants toxiques des peintures à l’huile : le rouge Van Dyck, du ferrocyanure ; l’écarlate, de l’iodure de mercure ; le blanc de plomb, du carbonate de plomb ; le violet de cobalt, de l’arsenic – tous ces magnifiques pigments, ces composants que les artistes chérissent et qui se révèlent être mortels.Ce processus par lequel ton rêve de créer un chef-d’œuvre te rendra fou avant de te tuer.Elle, Misty Marie Wilmot, la droguée empoisonnée possédée par le démon, Cari Jung et Stanislavski, qui peint des courbes et des angles parfaits.Misty répond qu’elle ne comprend pas.Misty dit : Tabbi, sa fille.Tabbi est morte.Et Angel s’immobilise.Les sourcils relevés sous la surprise, il lâche : « Quand ? »Il y a quelques jours, ou quelques semaines.Misty ne sait pas.Tabbi s’est noyée.« Vous en êtes sûre ? demande Angel.Il n’y a rien eu dans le journal.»Pour information, juste au cas où, sache que Misty n’est sûre de rien.Angel dit : « Je sens une odeur d’urine.» C’est le cathéter de Misty.Il s’est arraché.Ils laissent une traînée de pipi depuis son chevalet, sur le tapis, à l’extérieur de la porte et sur la moquette du couloir.Du pipi, et son plâtre qui traînasse.« Je parierais, dit Angel, que le plâtre sur cette jambe n’est même pas utile.» Il ajoute : « Vous savez, ce fauteuil du dessin que vous m’avez vendu ? »Misty répond : « Oui, dites-moi.» Ses bras autour d’elle, il traîne Misty, lui fait passer une porte et arrive à l’escalier.« Ce fauteuil a été fabriqué par l’ébéniste Hershel Burke en 1879, explique-t-il, et il a été expédié à Waytansea Island pour la famille Burton.»Le plâtre de Misty cogne à chaque marche
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